
Le concile de Charroux
en 989
tente de
modérer les seigneurs et leurs guerres privées. Se substituant à
l'Etat carolingien, les puissants seigneurs veulent exercer un
pouvoir militaire dans leur domaine et les terres alentours.Ils
réunissent de grandes assemblées autour des reliques sacrées des saints
locaux, des châsses précieuses où sont enfermés les ossements magiques.
Tirées des cryptes, elles sont apportées en plein champ, déchaînant
l'émotion et la ferveur populaires. Certains
grands, amis ou parents des moines, sont là aussi. On invite les
chevaliers à jurer "la paix", c'est-à-dire à s'engager par serment à
observer certaines interdictions. Au premier rang,
évidemment, celles qui protègent les terres d'Eglise, et les clercs
lorsqu'ils sont sans armes. Mais aussi l'interdiction de capturer pour les
rançonner les paysans hors des terres domaniales. Les Miracles de sainte
Foy nous ont montré que ces séquestrations étaient fréquentes et qu'elles
constituaient l'un des moyens de pression favoris des chevaliers. De même,
la limitation des prélèvements pour l'ost vise à ramener les "exactions" à
un niveau tolérable. Les assemblées de Paix tentent de régulariser une
situation bien concrète, la même que décrivaient les textes précédemment
cités, sur ces trois points majeurs. Le mouvement
paraît avoir commencé au Puy en Velay, par un concile local tenu peut-être
en 987. Puis les réformateurs essayent de l'étendre à
l'ouest, vers le Poitou, par un concile tenu à Charroux
en 989,
au sud l'année suivante 990, par un
concile de Narbonne ; en
994, c'est un concile général, ou qui vise à l'être, qui
est réuni à nouveau au Puy, et amplifié vers l'ouest à
Limoges, et vers l'est, à Anse en Lyonnais. Les assemblées de
994 marquent la zone d'influence véritable du mouvement,
après les ambitieuses tentatives d'extension de 989-990.
Manque ici le
16 mai 1027 le synode de TOULOUGES.
Pour en savoir plus sur le synode de 1027 sur la trève de Dieu de TOULOUGES
Vers 1040, les partisans de la Paix
font un pas de plus, en systématisant une mesure qu'ils avaient déjà
esquissée en 1022-1023 : la mise " hors violence " non plus de certains
espaces, ou de certaines personnes, mais de certains temps, plus
exactement de ces périodes saintes consacrées à la célébration annuelle
des grandes fêtes religieuses. Cette alliance objective ne va pas sans
tiraillements. A Limoges, en 1038, les paysans,
d'abord encouragés par un évêque imprudent, se forment en milices de Paix,
et se lancent à l'assaut des châteaux.
Allant à la rencontre du sentiment
des populations qui d'elles-mêmes cherchaient refuge près des églises, les
moines multiplièrent les enclos sacrés balisés par des croix - qualifiés
de "sauvetés" dans la France méridionale ou d'
"aîtres" en France. Aux laïcs et surtout aux chevaliers, elle
demande de s'abstenir de ce qui leur fait le plus plaisir : la guerre. L'objectif du mouvement de paix se déplace dès lors.
Ce n'est plus un pacte social mais un pacte avec Dieu, destiné à faire
reculer le péché dans le monde par un renforcement des pratiques
pénitentielles. Tel est le sens de la Trêve de
Dieu, qui trouve sa
codification définitive aux conciles d'Arles
(1037-1041). Désormais il
est interdit aux seigneurs de guerroyer du mercredi
soir au lundi matin, comme il était strictement défendu aux clercs
d'acheter des dignités ecclésiastiques à prix d'argent et d'avoir des
relations sexuelles. Ni chez les premiers ni chez
les seconds ces interdits nouveaux ne furent complètement respectés. A force de menaces, de processions de corps saints et
de sanctions canoniques - la privation de sépulture chrétienne était la
porte de l'Enfer -, ils parvinrent tant bien que mal à vaincre les
résistances et à faire régner autour d'eux le minimum de tranquillité et
de sécurité dont la société avait besoin pour vivre.
Manque ici 1065 un concile mixte se serait encore tenu à
Toulouges.
D'après Robert Fossier, L'éveil de l'Europe, 950-1250,
Armand Colin Les commentaires et la photo sont de René Scamaroni, Président de l'ASCT - Mai 2002 -. |